LAGORD. La famille Gois, près de La Rochelle, est encore sous le coup de l'arnaque à l'enfant dont elle a été victime
En regardant à la télévision les enfants haïtiens errer dans les décombres où sont parfois ensevelis leurs parents, Karine et Didier Gois ont un serrement de coeur.
Cette douleur ravive et relativise le propre déboire de ce couple, demeurant à Lagord (près de La Rochelle) : une escroquerie à l'adoption, via le site Internet association Afrique adoption, d'un petit Camerounais de moins de 4 ans. Outre leurs illusions, ils ont perdu près de 13 000 euros, y compris avec le prix du voyage à Yaoundé. Là, dans la capitale du Cameroun, ils devaient, fin novembre, après des mois de tractations et d'espoir, prendre dans leurs bras Cédric. « Un gamin craquant né le 25 juin 2007 et dont les parents étaient morts dans un accident de la route », dit Karine.
L'infirmière libérale de 36 ans a encore du mal à se remettre de ce périple d'amour qui a mal tourné : « Nous avions emmené, avec nous en Afrique, nos deux filles de 8 et 12 ans. Ce petit frère qui n'est pas reparti avec nous, cela les a aussi perturbées. Notre projet était familial. L'adoption, c'était le choix d'offrir un foyer à un enfant. Par humanisme. »
Le père de famille de 37 ans, militaire comme formateur sportif au 519e régiment du train, rappelle : « Nous nous sommes engagés à fond dans cette longue procédure d'agrément géré par le Conseil général, d'août 2008 au 31 mars 2009. Nous l'avons eu le jour de mon anniversaire. » Quant au choix du Cameroun, l'époux parle de son oncle qui y a fait sa carrière militaire : « Il établirait comme un lien entre un enfant de ce pays et nous. »
Le Cameroun, la famille le découvrira dans l'angoisse : « Nous avons commencé à comprendre que nous nous étions fait avoir lorsque notre contact et intermédiaire, M. Ulrich Timma, de l'association Afrique adoption et supposé directeur de l'orphelinat, n'était pas à l'aéroport de Yaoundé pour nous accueillir. »
La semaine qui suivit fut surtout de larmes mais aussi de joie « parce que nous avons aussi rencontré des personnes exceptionnelles », positive le couple. À des enfants, ils donnèrent les fournitures scolaires et les équipements sportifs emportés pour l'orphelinat de Cédric, un établissement fantôme.
« Pour les autres couples »
Mais avant de pouvoir parler de la terrible déception à quelqu'un qui ne soit pas de l'entourage, Karine et Didier ont dû la digérer, la transcender. « Nous voulons maintenant témoigner pour informer les autres couples qui veulent adopter. »
Le couple a aussi découvert une autre facette du Net : « Nous avons été séduits par le site de l'association Afrique adoption qui vante l'adoption plénière facile. Ce qui me choque, tempête-t-elle, c'est que le site est toujours en ligne alors que nous avons prévenu l'ambassade de France au Cameroun et que nous avons déposé plainte auprès d'Interpol, à Yaoundé. » A posteriori, en se souvenant des locaux de ladite police, Karine et Didier disent n'attendre pas grand-chose de leur démarche. « Mais nous l'avons fait. C'est important d'aller jusqu'au bout. »
« Nous avions confiance »
« Nous avons été naïfs, concède le père de famille. Maintenant, je le répète, il faut que ça serve à d'autres. On n'est jamais assez mis en garde dans ce type de situation. Nous connaissons des amis pour qui cela s'était bien déroulé. Nous avions confiance. »
Il raconte cependant aussi comment, le 9 avril 2009, il avait envoyé un mail au service agrément adoption du Conseil général pour avoir des informations sur l'association Afrique adoption. « J'aurai dû me méfier lorsqu'ils n'ont pas répondu. Mais ce n'est pas normal qu'ils ne l'aient pas fait alors que, lors des réunions d'information sur l'agrément adoption, il nous avait été dit : "si vous avez un doute sur une association, contactez-nous par mail." » Le garde-fou a fait défaut.
L'escroc tisse sa toile
À l'autre bout de l'histoire, le pseudo-intermédiaire Ulrich Timma, joignable uniquement par mail, tisse sa toile. L'escroc rassure, se fait désirer, rassure encore. « Il nous appelait au téléphone mais nous, nous ne pouvions pas le faire. »
Entre deux faux documents administratifs, prestations pour lesquelles il demande aussi des mandats Western Union touchés à la poste de Yaoundé, l'homme à la voix posée envoie des photos de l'enfant. « Elles sont arrivées, le 31 juillet, le jour de l'anniversaire de notre grande fille. » L'escroc est entré sans effraction dans l'intimité de la famille.
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