La première cuvée des jeunes formés dans la fabrication du matériel sportif fait des merveilles sur le terrain. Ousseini Moussa, la trentaine, a abandonné son premier métier de cordonnier pour la fabrication des ballons et autres matériels sportifs. « Je cousais des babouches et je raccommodais des chaussures ; mais depuis que j'ai appris à fabriquer des ballons, je suis plus épanoui. Ce n'est qu'un début et compte tenu de la demande sans cesse croissante, je crois qu'à la longue, mes conditions de vie vont s'améliorer », confie-t-il. Tout comme Ousseini Moussa, nombreux sont les jeunes qui s'intéressent à la fabrication des ballons et autres matériels sportifs dans la ville de Maroua.
A la faveur de l'organisation du FENAC en décembre 2008 dans le chef-lieu de la région de l'Extrême-Nord, le ministre tchadien de la Culture, invité spécial à ce grand rendez-vous des arts et de la culture, a été émerveillé devant le stand réservé au matériel sportif fabriqué à Maroua. Il a non seulement acheté tous les ballons exposés, mais aussi passé des commandes pour la fabrication d'autres pièces. En mars dernier, un pasteur de l'Union des Eglises Baptistes du Cameroun (UEBC), en séjour à la paroisse de Maroua, a lui aussi fait la découverte de l'atelier de fabrication des ballons. Au vu des spécimens exposés, l'homme de Dieu n'a pas résisté, lui non plus, à la tentation de passer des commandes.
Selon les connaisseurs, au moins sept éléments entrent en jeu dans la fabrication d'un ballon : une peau bien tannée, un gabarit (sorte de moule), une toile, de la colle, de la cire d'abeille, au fil et une aiguille. Et dès que cette matière première est apprêtée, le travail à la chaîne s'effectue comme un jeu. On pose le cuir sur le gabarit et on dessine la forme qui ressort sur la matière. Ensuite, on colle la toile sur le cuir, et suit le découpage pour sortir les 32 panneaux qui constituent un ballon de football. Ensuite, on procède aux trouaisons. Après quoi, on répand la cire sur le fil et l'on se met à coudre à la main. A cette étape, si l'on veut décorer le ballon, on le fait avant l'étape suivante qui est le montage proprement dit. Au 27e panneau, on retourne le ballon pour y introduire la vessie. Enfin, la boucle est bouclée lorsqu'on coud de l'extérieur les panneaux restants et il ne reste plus qu'à mettre de l'air dans le ballon. Le voilà prêt.
Certains jeunes constitués en association, le Gic « Jeunes solidaires Pifmas de Maroua » en l'occurrence, affirment que contre leur gré, ils ne parviennent pas à satisfaire la demande de la clientèle. Ceci malgré le défi qu'ils se sont lancé de produire cinq ballons de football chaque semaine. A côté de ces ballons de football, figure la fabrication des ballons de handball, des filets de football, des filets de handball, de volleyball, de basketball, des gants, des porte-filets L'enthousiasme qui anime ces jeunes est clair et net ; il tranche même avec la quantité des produits qu'ils écoulent sur le marché car il ne faut pas se voiler la face, la fabrication du matériel sportif coûte cher.
Insertion !
La fabrication locale des matériels sportifs est une idée du gouvernement camerounais qui, dans son souci de lutter contre le chômage en milieu jeune, a mis en place le Projet d'insertion socioéconomique par la fabrication du matériel sportif (Pifmas). Un projet bien accueilli dans la région de l'Extrême-Nord. Malgré l'enthousiasme qui anime ces jeunes pionniers dans ce domaine, les difficultés ne manquent pas. La principale, les moyens financiers. Pratiquement tous estiment que l'enveloppe de 2 500 000 Fcfa que l'Etat octroie à chaque groupe de sept jeunes n'est pas susceptible de booster la production. La matière première ne se ramasse pas ; tout, à l'exception de la main d'oeuvre, se paie. Bien plus, tous les travaux ne sont effectués que manuellement, faute d'outils modernes.
La conjonction de ces difficultés conduit fatalement à un rendement au rabais. C'est même l'une des raisons pour lesquelles ces matériels de sport fabriqués à Maroua ne courent pas les rues. Pourtant, le besoin est exprimé dans les établissements scolaires, les institutions publiques et privées et même chez des particuliers.
Rien n'empêche de croire que ce problème de matériel sportif soit la raison d'être du manque d'émulation des jeunes dans certaines disciplines sportives telles que le volleyball et le basketball. Par rapport à la clientèle, l'enthousiasme est perceptible quant à l'utilisation de ces matériels de sport fabriqués localement. Mais pour l'heure, deux raisons semblent guider la clientèle : d'une part la curiosité, et d'autre part, les prix relativement abordables par rapport à ceux appliqués sur le marché. A la vérité, le marché est là. L'avenir semble prometteur pour ces jeunes gens qui ont trouvé en la fabrication du matériel sportif leur métier.